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- Notre référence à La Bible
: Comment ? Pourquoi ? |

Notre référence à
La Bible : Comment ? Pourquoi ? (1)
Les problèmes culturels, éthiques
et politiques de notre société appellent nos prises
de positions et nos engagements. Comment s’exerce alors
pour nous l’autorité de la Bible ?
Deux abus possibles :
Dans cette perspective, il nous est apparu que deux dangers nous
guettent : l’abus de citations bibliques (parfois tronquées
ou approximatives) pour justifier nos décisions, et l’oubli
d’une vérification par la Bible de la conformité
de nos décisions au vouloir de Dieu tel que nous le percevons
Une certitude : lire
Nous avons la certitude que la lecture de la Bible par tout le
peuple est possible, malgré les difficultés culturelles
et qu’une promesse de dialogue est attachée à
cette lecture. En s’imprégnant du texte biblique,
dans l’humilité et la prière, la lectrice,
le lecteur de la Bible en reçoit lumière, force
et libération.
Convictions
Conviction n° 1 : l’homme
connaît le message de Dieu par le témoignage des
Ecritures
Nous confessons que Dieu s’est fait connaître à
peuple d’Israël au cours de son histoire, et s’est
pleinement révélé en Jésus-Christ,
la Parole faite chair. C’est par le témoignage des
Ecritures que cette révélation nous atteint. C’est
pourquoi nous ne pouvons ni identifier, ni dissocier texte écrit
et « Parole de Dieu ». On ne saurait confondre le
témoin et ce dont il témoigne mais il n’y
a pas non plus de témoignage sans témoin. Le Seigneur
s’adresse à nous par la médiation des textes
bibliques : le Saint-Esprit les rend porteurs d’une parole
de vie pour notre présent. Reconnaître l’autorité
des Ecritures, c’est accepter de se laisser éclairer
et diriger par Jésus-Christ, dans une relation personnelle
de confiance et d’amour. La lecture persévérante
de la Bible fonde, construit et fait croître notre fidélité
au Seigneur, nous en éprouvons et en affirmons la nécessité.
Conviction n°2 : le message de Dieu fait
de nous des personnes libérées et responsables
La Bible place toute notre existence sous le jugement et la grâce
de Dieu, et vise à faire de nous des personnes libérées
et responsables. C’est l’influence globale d’une
lecture personnelle et d’une écoute communautaire
qui donne sens à notre vie, nous enracine dans la foi et
l’espérance, contribue à former notre discernement
éthique, notre système de valeurs.
Dans les situations complexes et souvent inédites qui appellent
nos engagements nous pouvons alors prendre le risque d’inventer
des formes de témoignage et d’action qui nous paraissent
conformes à notre fidélité de chrétiens,
sans chercher de citation particulière dans la Bible. Il
ne s’agit pas alors d’utiliser la Bible comme un recueil
de réponses toutes prêtes dans le domaine doctrinal
et éthique, mais écouter ses questionnements, ses
interpellations et de nous laisser déranger par elle.
Conviction n° 3 : Il est
nécessaire d’entrer dans une démarche d’interprétation
de la Bible
Dans la pratique se référer aux Ecritures signifie
confronter nos convictions et nos comportements au message qui
s’exprime dans la Bible, cela ne veut pas dire citer des
textes bibliques isolés de leur contexte pour justifier
telle ou telle position. Il est légitime, devant toute
question engageant la foi, de chercher un éclairage biblique
; encore faut-il prendre en compte l’ensemble des témoignages
: sur biens des points, le corps des textes « canoniques
» présente des affirmations différentes, voire
contradictoires (par exemple le lien entre le péché
et le malheur…) ou des formulations ambiguës. Ces difficultés
nous conduisent à reconnaître la nécessité
d’une démarche d’interprétation, à
en accepter le caractère relatif, et par là, à
nous interdire tout dogmatisme.
Conviction n°4 : Nos lectures
conduisent à discerner dans la Bible des thèmes
majeurs jusqu’à des options révisables.
Notre déclaration de foi cite l’Evangile selon Jean
3,16 en tant que « révélation centrale de
l’Evangile ». Pour interpréter les Ecritures,
prises globalement comme règle de la foi et de la vie,
nous mettons généralement l’accent sur certains
thèmes (par exemple la justification par la foi…)
que nous jugeons centraux (« le canon dans le canon »).
Ils nous servent de critères pour apprécier la portée
d’autres textes dont le caractère permanent ou normatif
est moins évident. La lecture chrétienne accorde
une autorité déterminante au Nouveau Testament par
rapport à l’Ancien, quelle que soit la diversité
d’approches de ce dernier. Certaines divergences entre confessions
chrétiennes ou entre croyants individuels relèvent
d’une « hiérarchisation » différente
des divers éléments du message biblique. Il est
bon d’en prendre une exacte conscience. Le dialogue nécessaire
gagne en clarté et en efficacité si nous savons
préciser ce qui s’impose à nous comme vérité
primordiale, et ce qui est de l’ordre d’une évidente
moindre, voire d’une option seconde et révisable.
Conviction n°5 : le lecteur
de la Bible n’est pas neutre
L’actualisation est inhérente à l’acte
de lecture. Le lecteur n’est pas un récepteur passif,
il élabore aussi le sens des textes bibliques en fonction
de ses expériences, de sa sensibilité, de sa culture,
de grilles de lecture issues de sa formation particulière.
Il faut renoncer à l’idée qu’il y aurait
une seule lecture légitime, exhaustive et définitive.
Cependant la créativité des lecteurs n’est
pas sans bornes, le texte ouvre un espace d’interprétations,
mais il en marque aussi les limites : il y a des lectures aberrantes
qu’un rigoureux respect des textes interdit. Cette contrainte
étant reconnue, nous pouvons recevoir positivement le fait
de lectures plurielles et d’actualisations originales. Il
est lié à la fécondité des textes
bibliques et à la liberté de l’Esprit, qui
renouvelle l’écoute de la Parole en fonction de situations
humaines différentes et d’interrogations nouvelles.
La diversité des interprétations n’est alarmante
que si chacun érige sa propre lecture en absolue. Elle
est enrichissante si elle s’accompagne d’écoute
mutuelle.
Recommandations
Recommandation 1 : Travailler
afin que la culture biblique se maintienne et se développe
Des raisons diverses conduisent à lire la Bible :
- sa valeur culturelle qu’il ne faut pas oublier, la Bible
a marqué notre art, notre littérature et notre philosophie.
L’ignorer serait se couper de notre héritage et se
priver d’un bonheur.
- le besoin d’y trouver une parole qui guide, soutient,
console : l’ouverture à une interpellation qui transforme
et mobilise. La Bible est le lieu où par l’action
de l’Esprit, appelé par la prière, surgit
la Parole vivante de Dieu.
Pour toutes ces raisons, il faut se battre avec acharnement, et
travailler de toutes nos forces pour que la culture biblique se
maintienne et se développe dans nos Eglises et dans notre
pays.
Recommandation 2 : Prendre le
temps et se donner les moyens de lire la Bible
La lecture de la Bible se heurte à des difficultés
de toutes sortes (distance culturelle, obscurité de certains
textes, manque de temps, crise de la lecture, décalage
entre l’écrit et la vie… etc). Ces difficultés
sont réelles mais non insurmontables.
Pour y faire face : nous conseillons :
- de prendre l’habitude de lire des livres entiers plutôt
que des extraits. En fragmentant le texte, on risque d’en
masquer ou d’en défigurer le sens.
- de largement utiliser les travaux des spécialistes. La
véritable science n’exclut pas la simplicité,
il importe d’éviter de camoufler, par des arguments
de difficulté scientifique, les tentations de la paresse
intellectuelle.
- Nul besoin d’être savant pour lire la Bible, mais
la science exégétique nous aide à la comprendre,
et nous épargne des erreurs d’interprétation
- De la lire à plusieurs. La recherche du sens et de son
actualisation se fait avec le plus grand profit, en groupe.
La lecture de la Bible, comme toute lecture sérieuse,
demande du travail, exige du temps et implique un engagement du
lecteur. Cet effort vaut la peine d’être fait.
Recommandation 3 : Accepter
les complexités des questions et des réponses
Face aux problèmes concernant l’expression actuelle
de la foi, ou face aux questions éthiques brûlantes,
il est normal que des positions diverses se manifestent. Nous
invitons chaque communauté à ne pas fuir le dialogue
nécessaire mais à l’organiser sans craindre
les affrontements. Chacun dans l’Eglise crédite de
bonne foi celui ou celle qui réagit autrement que lui.
Les Ecritures fonctionnent à la fois comme
instance fondatrice et critique vis à vis de nos formulations
de la foi et de nos pratiques. La confrontation loyale de nos
diverses lectures de l’exigence évangélique
et la reconnaissance de nos analyses sociales, politiques, culturelles
différentes, peuvent permettre de rechercher le sens avec
les autres, sans que ce soit forcément un sens unique,
de dissiper des malentendus, de réduire des divergences,
parfois de trouver un chemin commun.
En tous les cas, cette reconnaissance et cette confrontation aideront
à repérer et à exprimer clairement les points
d’accord et de désaccord et à prendre conscience
de la complexité de questions qu’il faut accepter
de laisser ouvertes.
Recommandation n°4 : Lire
avec tout public la Bible enrichie chacun
La Bible n’est pas la propriété exclusive,
ni des protestants, ni des seuls chrétiens. Outre nos frères
juifs (dont nous avons reçu ce que nous appelons l’Ancien
Testament), des musulmans, des agnostiques, des athées
lisent aussi ce Livre, en tant qu’héritage culturel.
Nous invitons les fidèles à saisir ou à susciter
des occasions de lire la Bible avec d’autres que les chrétiens.
Leurs approches et leurs questionnements peuvent nous stimuler
et renouveler notre propre lecture.
(1) : L’intégralité du texte
est disponible dans les Actes du Synode National de l’Eglise
Réformée de France, 1986

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